Les robots et l’intelligence artificielle vont-ils tuer nos emplois ? quels sont les emplois les plus menacés par les machines ? l’avenir est assez sombre…
Chaque siècle apporte son lot d’innovations, condamnant des métiers, et créant des nouveaux. L’économiste autrichien Joseph Schumpeter appelait déjà cela au siècle dernier la « destruction créatrice »: L’arrivée des voitures au début du siècle dernier a rendu obsolète le travail de fabricant de fiacre, mais créé le travail de constructeur automobile.
Mais à l’heure actuelle, le débat de l’automatisation doit prendre en compte la montée en puissance des intelligences artificielles. Ces robots nouvelles générations sont capables d’accomplir des tâches toujours plus complexes, et sont capables d’apprendre grâce au deep learning. Cette méthode a permis en début d’année à une intelligence artificielle de Google, appelée AlphaGo, de battre le champion du monde du jeu de Go Lee Sedol, une tâche considérée encore plus difficile que de battre les champions du monde d’échecs.
Les robots ne viennent pas juste d’atterrir dans le monde du travail: ils développent leurs compétences, gravissent les échelons de l’entreprise, sont de moins en moins chers, affichent des taux de productivité impressionnants, et bousculent de plus en plus leurs homologues humains. Alors, les nouvelles technologies vont-elles engendrer le chômage de masse, tandis que les robots prennent les emplois des humains ? Ou bien est-ce que les emplois occupés par les robots vont-ils en créer d’autres pour les humains ?
Des machines dans l’usine BMW à Leipzig, en Allemagne. Où sont les humains ? – Crédit photo: Wikimedia – BMW Werk Leipzig
Un débat ancien
Cette préoccupation n’est pas nouvelle. Cela remonte au moins aussi loin que le mouvement des luddites en Angleterre au début du 19ème siècle, où les nouvelles technologies ont provoqué la peur sur les changements inévitables qu’elles apportaient. Le mouvement opposa les artisans traditionnels de la transformation du coton aux employeurs et ouvriers des usines utilisant des métiers à tisser mécanisés. Cela pris fin par le vote d’une loi instaurant la peine capitale pour la destruction de machines. En quelques décennies, de nombreux métiers traditionnels disparaissaient.
Des « Luddites », détruisant un métier à tisser – Crédit photo: Wikimedia – Christopher Sunde
La révolution industrielle qui a suivi est à l’origine de progrès sans précédent pour l’humanité: une amélioration drastique du rendement agricole, et ainsi de la qualité de l’alimentation, une réduction du coût de production de nombreux biens de consommation, une accélération des transports de passagers et de marchandises, l’apparition de l’éclairage public, les avancées médicales…
Quatrième révolution industrielle
Les grandes révolutions industrielles se sont donc succédé, et la troisième, qui s’appuie notamment sur les nouvelles technologies numériques, verra le PIB mondial être multiplié par 50 entre 1960 et 2010. Le progrès technologique permet une croissance exponentielle. La quatrième révolution industrielle arrive alors pour créer une industrie intelligente et entériner la démocratisation de robots et d’intelligences artificielles.
Jusqu’à maintenant, quand certaines professions disparaissent petit à petit, d’autres viennent souvent prendre leur place. Mieux, « la technologie a créé plus d’emplois qu’elle n’en a détruit selon 140 ans de données » disait une étude conduite par des économistes de chez Deloitte, en 2015. Mais ce constat a bien changé depuis. Aujourd’hui, des signes évidents prouvent que nous avons du soucis à nous faire à propos de nos emplois.
Les prémices de la fin de l’emploi
Aujourd’hui, que faire si les machines deviennent si intelligentes, qu’elles n’ont plus besoin de main-d’œuvre non qualifiée pour fonctionner ? C’est la question que se sont posée en 2012 les économistes Jeffrey Sachs de l’Université Columbia et Laurence Kotlikoff de l’Université de Boston dans un article intitulé Smart Machines and Long Term Misery. Après tout, « les machines intelligentes collectent désormais notre argent aux péages autoroutiers, encaissent nos courses au supermarché, prennent notre pression sanguine, nous indiquent notre chemin (GPS), répondent au téléphone, impriment nos documents, transmettent nos messages, lisent nos livres, gardent nos maisons, font voler nos avions, tuent nos ennemis (drones) et la liste continue… » Leur conclusion peut se résumer à ceci: Si le fiacre et le taxi avaient tous deux besoin d’un conducteur, l’avènement de la voiture autonome permettra de s’en passer.
Une voiture autonome, la Google Car, qui pourrait bien remplacer les chauffeurs de taxi – Crédit photo: Google
De nombreuses études récentes et successives convergent toutes vers les mêmes résultats: de 40% à 60% des emplois existants pourraient être automatisés au cours des prochaines décennies.
Une enquête menée à l’occasion du Forum économique mondial de Davos de ce début d’année estime que 5 millions d’emplois seront perdus d’ici 2020 dans le monde à cause des robots et nouvelles technologies. Une étude menée au Japon, aux USA et au Royaume-Uni montre que les robots sont susceptibles d’occuper près de la moitié des emplois existants dans ces pays en 2035. Le cabinet Roland Berger a transposé à la France cette étude et il en ressort que 3 millions d’emplois pourraient être supprimés à cause des robots d’ici 2025. Une autre recherche réalisée par le cabinet de conseil McKinsey va en ce sens puisque « 45 % des emplois pourraient être automatisés avec des technologies déjà existantes ». Selon ce même cabinet, 60 % des emplois pourraient être automatisés à une hauteur minimum de 30 %.
En 2014, Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee du MIT ont estimé dans leur ouvrage The Second Machine Age que la productivité croît, mais sans être suivie par l’emploi. Selon eux, la révolution de l’internet et le développement de l’intelligence artificielle devraient progressivement conduire à un remplacement de l’homme par le robot.
Quels sont les emplois les plus menacés ?
À l’heure actuelle, les emplois les moins créatifs et impliquant des tâches répétitives sont les plus exposés à l’automatisation par la machine. Ceci dit, tous les corps de métiers sont concernés.
Quelques exemples récents au sein de différentes entreprises montrent que vraiment tous les types de métiers peuvent être touchés. Que ce soit les ouvriers des usines Foxconn qui assemblent les iPhone, les chauffeurs d’Uber, les journalistes, les employés de McDonald’s, ou encore les chauffeurs routiers, les emplois aussi diverses soient-ils, peuvent être menacés.
Des employés des chaînes de fast-food manifestent suite au développement, par la société Momentum Machines, d’un robot capable de faire un burger en moins de 10 secondes. Les investisseurs estiment qu’il reviendra, à termes, moins cher que le coût minimum de 15$ de l’heure aux Etats-Unis.
Le site de la BBC propose d’ailleurs un logiciel (en anglais) qui permet de connaître la probabilité qu’a votre métier (actuel ou souhaité) d’être automatisé au cours des vingt prochaines années.
Également, l’étude du cabinet McKinsey, citée plus haut, regroupe sous la forme d’un graphique interactif, des données du Bureau du Travail et des Statistiques. Si ces chiffres concernent le marché du travail américain, il est intéressant de noter les secteurs d’emplois qui sont mis en évidence, et ainsi identifier les métiers les moins exposés à l’automatisation, et à l’inverse, les métiers les plus à même d’être remplacés par des robots.
Il est donc plus facile de citer les emplois les moins menacés
De ce tableau, il en ressort que ce sont les emplois les plus qualifiés qui sont les moins menacés. On distingue trois domaines du monde du travail qui seront compliqués à être remplacés par des machines:
- les métiers qui demandent une forte « intelligence sociale », c’est-à-dire une capacité d’attention à l’autre, de négociation et de persuasion: psychologues, chargés de relations publiques, enseignants, métiers de l’événementiel…
- les métiers faisant appels aux émotions et à la créativité: architectes, artistes, consultants, chercheurs, designers…
- les métiers nécessitant un niveau de manipulation et de perception poussés: médecins, chirurgiens…
La vraie question est de savoir quel emploi vous exercerez demain
Des chercheurs estiment que 60 % des métiers de demain n’existent pas encore. Souvenez-vous, il y a vingt ans, qui aurait pu imaginer les métiers qui existent aujourd’hui suite à l’essor d’Internet ? Certes, ces emplois ne couvriront pas le nombre d’emplois supprimés, ni en termes de compétences ni de répartition géographique. Le fossé entre les plus riches et les plus pauvres pourrait encore s’élargir.
Après les robots…
Si l’on considère que l’arrivée des robots supprimera plus d’emplois qu’elle n’en créera, les personnes les plus formées, celles qui comprennent les enjeux des nouvelles technologies et s’adaptent rapidement seront les grandes gagnantes de la « deuxième économie ». Ce terme a été inventé par Brian Arthur pour parler de l’actuelle transformation profonde de l’économie, numérique. Il s’agit d’une économie pouvant fonctionner quasiment sans intervention humaine.
Ainsi, cette « seconde économie » laissera pour compte les moins formés, et qui apportent une valeur ajoutée plus faible. Ces gens seraient progressivement exclus du marché du travail à mesure que l’économie automatisée et connectée prospère.
Cela aurait pour effet de provoquer une hausse significative et durable du taux de chômage et une augmentation des inégalités. Le modèle social actuel, dont le financement s’appuie sur le travail, serait à repenser. Comment faire si de moins en moins de personnes travaillent ? Comment faire tourner l’économie si de moins en moins de gens ont de quoi vivre ?
À ce jour, il est difficile d’imaginer clairement de quoi sera faite l’économie du futur. Mais si l’avenir est aussi sombre que les études et analyses le prédisent, alors il faudra passer par la formation, puisque les métiers les plus menacés sont ceux qui demandent pas ou peu de formation. À terme, l’idée d’introduire le revenu universel pourrait permettre de limiter le nombre de « laissés pour compte ». On pourrait voir émerger un peu plus sensiblement les « nouveaux emplois » (freelance, économie collaborative…).
Crédit photo principale : Wikimedia – Humanrobo
Bonjour, il est possible de savoir qui a écrit l’articule?
Merci.