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Le 24 avril 2025, l’Autorité de la concurrence de la République tchèque a pris une décision qui a secoué le secteur énergétique européen. En rejetant l’appel d’EDF concernant l’attribution de nouveaux réacteurs nucléaires à Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP), elle a marqué un tournant pour le géant français de l’énergie. Cette décision, bien que prévisible pour certains observateurs, constitue un véritable revers pour EDF, dont l’implication dans le secteur nucléaire est historique. Ce choix met en lumière les défis auxquels l’industrie nucléaire française est confrontée sur la scène internationale, alors que d’autres acteurs, notamment asiatiques, gagnent du terrain.
La décision tchèque : un choc pour EDF
Le rejet de l’appel d’EDF par l’Autorité de la concurrence tchèque a eu l’effet d’une bombe pour le groupe français. Alors que l’entreprise espérait encore pouvoir contester l’attribution du marché à KHNP, la décision finale a mis un terme à ses espoirs. L’Autorité a jugé que l’exemption de sécurité utilisée par Dukovany Power Plant II plaçait le projet en dehors du cadre des marchés publics, rendant toute contestation impossible. Cette situation a laissé EDF sans recours juridique, un coup dur pour une entreprise habituée à être un acteur majeur dans le domaine du nucléaire en Europe.
Les accusations d’irrégularités formulées par EDF, notamment concernant les subventions étrangères et le respect des principes d’efficacité économique, ont également été rejetées par l’Autorité. Celle-ci a déclaré ne pas avoir la compétence pour juger de ces aspects, laissant EDF face à une impasse. Cette décision met en exergue les difficultés croissantes pour les entreprises européennes à s’imposer face à des concurrents asiatiques de plus en plus compétitifs.
Les raisons du choix coréen
Le choix de KHNP pour la construction des nouveaux réacteurs nucléaires tchèques résulte de plusieurs facteurs déterminants. À l’origine, trois concurrents étaient en lice : EDF avec l’EPR1200, Westinghouse avec l’AP1000, et KHNP avec l’APR1000. Westinghouse a rapidement été écarté pour non-respect des critères techniques, laissant place à une compétition entre la France et la Corée du Sud.
En juillet 2024, le gouvernement tchèque a opté pour KHNP, justifiant sa décision par des conditions économiques et techniques plus avantageuses. Le coût estimé des réacteurs coréens, environ 8,6 milliards d’euros par unité, ainsi que l’option pour une construction simultanée de deux réacteurs, ont penché en faveur de KHNP. Cette décision reflète une tendance croissante en Europe à privilégier les offres plus économiques, même si cela signifie se tourner vers des partenaires non traditionnels.
Un projet stratégique pour la République tchèque
La République tchèque, qui dépend fortement de l’énergie nucléaire, a des raisons stratégiques de moderniser et d’étendre son parc nucléaire. Actuellement, environ un tiers de l’électricité du pays est produit par des réacteurs nucléaires, dont certains datent des années 1980. Le projet de construction de nouveaux réacteurs vise à réduire la dépendance aux énergies fossiles et à renforcer la sécurité énergétique à long terme.
Les plans prévoient un début des travaux vers 2029, avec une mise en service commerciale en 2038. KHNP est tenu de respecter des délais stricts, sous peine de pénalités sévères, ce qui souligne l’importance critique de ce projet pour la République tchèque. Ce projet pourrait bien définir l’avenir énergétique du pays pour les décennies à venir, tout en influençant le paysage énergétique européen.
L’impact sur EDF et le marché européen
Pour EDF, l’échec en République tchèque est une déception majeure, d’autant que le projet de Sizewell C en Angleterre semblait présager d’un renouveau pour l’EPR en Europe. Cependant, le format plus compact et moins coûteux de l’APR1000 coréen a séduit le marché tchèque. Le groupe français envisage encore un recours devant le tribunal régional, mais les chances de succès semblent limitées.
Cette situation illustre également un changement de paradigme dans l’industrie nucléaire mondiale, avec une montée en puissance des opérateurs asiatiques. La domination traditionnelle de l’Europe et de l’Amérique du Nord dans ce secteur est désormais contestée, ce qui pourrait amener EDF et d’autres acteurs européens à repenser leurs stratégies pour rester compétitifs sur la scène internationale.
Alors que la République tchèque se tourne vers la Corée du Sud pour ses besoins énergétiques, il est clair que l’équilibre des pouvoirs dans le secteur nucléaire évolue. Comment EDF et les autres acteurs européens peuvent-ils s’adapter à ce nouvel environnement concurrentiel et quelles stratégies devront-ils adopter pour regagner leur position de leader sur le marché mondial ?
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C’est vraiment un coup dur pour EDF. Comment vont-ils rebondir après ça ?