La répression de la pornographie en Inde déclenche un débat sur la censure et la liberté

Les autorités indiennes ont bloqué plus de 800 sites pornographiques dans la première vague de répression à grande échelle sur Internet de la plus grande démocratie du monde. La décision a immédiatement suscité un débat sur la censure et la liberté.

L’information selon laquelle les sites Web ont été bloqués a émergé au cours du weekend au moment où les fournisseurs d’accès à Internet ont commencé à mettre en œuvre les instructions du gouvernement. Le but était « d’empêcher la pornographie de devenir une nuisance sociale », a déclaré N.N. Kaul, un porte-parole du ministère des Télécommunications. « Nous avons écrit aux fournisseurs d’accès à internet pour leur demander de couper l’accès libre et gratuit aux sites répréhensibles » a t’il déclaré. C’est au nom de la « morale, de la décence, et de la lutte contre les dérives de la pornographie ».

Le site du « Dauphiné Libéré » parmi la liste des sites bloqués

Un décret du gouvernement de 17 pages, publié le 31 juillet et divulgué par des militants de la liberté d’expression, a listé les sites incriminés devant être bloqués par les fournisseurs d’accès pour des raisons de moralité et de décence. La liste comprend 857 sites dont certains apparaissent comme des menaces peu probables. La liste contient en effet de nombreux sites d’humour et même le site du Dauphiné Libéré.

listes sites porno bloqués en Inde

Crédit photo: Extrait de la liste émise par le ministère indien de la Communication le 31 juillet 2015

La réaction immédiate à l’interdiction parmi les observateurs est apparu largement hostile à cette décision.

Le romancier à succès Chetan Bhagat a tweeté: « L’interdiction du porno est anti-liberté, irréaliste, impossible à mettre en œuvre. C’est politiquement pas très malin. Évitable. Ne gérez pas la vie privée des gens. »

De son côté, l’ancien ministre des Télécommunications a évoqué une « prise d’otage des libertés individuelles » :

Les experts ont déclaré que l’interdiction, dont le gouvernement semblait vouloir garder secrète, peut outrepasser les lois en vigueur en Inde.

« C’est illégitime parce que ce n’est pas comme si le gouvernement trouvait ces sites illégaux… Ceci est une interdiction générale et le gouvernement n’a pas réfléchi aux conséquences », a déclaré Pranesh Prakash, du Centre for Internet and Society, un groupe de réflexion Indien. « Des dispositions existent en vertu des lois actuelles sur l’obscénité pour bloquer un site au cas par cas, mais pas pour imposer des restrictions draconiennes », ajoute Prakas.

Lutter contre la pédopornographie

L’objectif de ce plan était de bloquer les contenus pédopornographiques.

L’Inde a été frappée par une vague de violences sexuelles au cours des dernières années, dont les causes sont très controversées. De nombreux observateurs disent que cela résulte de l’indépendance croissante de beaucoup de femmes, en particulier dans les villes. D’autres soulignent un grave déséquilibre entre les sexes en Inde, un système de caste tenace et une culture patriarcale enracinée. Certains conservateurs ont reproché des facteurs tels que l’influence des films de Bollywood, les influences occidentales, les vêtements pour femmes et même la surconsommation de la malbouffe.

Au cours du weekend, plusieurs sites sont devenus inaccessibles et ont affiché des messages selon lequel ils avaient été bloqués sur les instructions de l’autorité compétente. Le hashtag #Pornban a connu une forte tendance sur Twitter, de même que le hashtag #NextBanIdea (nouvelle idée de censure), créé pour tourner en dérision l’initiative.

Il faut savoir que l’Inde compte le deuxième plus grand nombre d’utilisateurs d’Internet, après la Chine. Les médias sociaux et l’utilisation des smartphones est en croissance rapide.

Les films de Bollywood et Hollywood sont régulièrement censurés en Inde, les organismes de réglementation forçant souvent les producteurs à modifier le dialogue et les scènes pour s’adapter au public du pays, dans l’ensemble conservateur.

Une forte demande de la pornographie en Inde

La demande de la pornographie, cependant, semble forte. Pornhub, un site de divertissement pour adultes inclu dans l’interdiction, a indiqué l’année dernière que l’Inde occupait le cinquième rang au monde en termes de visiteurs quotidiens.

Les autorités ont déclaré que le gouvernement travaillait sur une solution à long terme et que l’interdiction ne demeurerait pas indéfiniment. Les utilisateurs avec des réseaux privés virtuels (VPN) sont toujours en mesure d’accéder aux sites pornographiques en Inde.

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