Les adblocks, à chacun son point de vue

Depuis ses grands débuts et son immersion dans notre vie quotidienne, Internet a toujours eu une relation à la fois proche et compliquée avec la publicité. Tout le monde a déjà vécu une expérience traumatisante en surfant sur une page web qui clignote de partout, façon sapin de Noël, où les pop-ups se disputent aux bannières et autres images de fond criardes. Si cette tendance semble à présent derrière nous, il n’empêche que les publicités sont plus que jamais au cœur du business model de la plupart des sites internet. C’est une source de financement indispensable qui permet aux internautes de consulter du contenu gratuitement. Pourtant, les utilisateurs de bloqueurs de publicité sont de plus en plus nombreux. Vous connaissez peut-être ces fameux “ad-blocks” que l’on installe dans un navigateur et qui permettent de bloquer toutes les publicités d’une page. Alors, les ad-blocks… bénédiction ou malédiction ? Tout est question de point de vue.

200 millions d’internautes utilisent un bloqueur de publicité

En 2015, ce sont près de 200 millions d’internautes qui utilisent un bloqueur de publicité. C’est certes un nombre relativement faible par rapport au nombre d’internautes dans le monde, mais qui est en augmentation de 41% sur une année selon une étude réalisée par Adobe.

Le plus connu de ces bloqueurs s’appelle Adblock Plus. Édité par une société allemande, il vous permet de supprimer les publicités de votre navigation. Son fonctionnement est basé sur une utilisation raisonnable des publicités en ligne. C’est à dire qu’il est financé par des entreprises qui permettent à leurs publicités, si elles sont jugées raisonnables, de passer à travers les mailles du filet. En clair, les grandes entreprises paient pour faire de la publicité en ligne et repaient pour que ces publicités soient diffusées en ligne selon des règles très précises. C’est ce qu’on appelle des « whitelists » sur laquelle ne figurent que des publicités non intrusives et non dérangeantes. C’est donc un bloqueur de publicités qui ne les bloquera pas toutes.

Encore plus radical, Adblock adopte une autre philosophie, puisqu’il bloque toutes les publicités et refuse tout financement des entreprises. Ce plug-in développé par Michael Gundlach n’est financé que par les dons des internautes pour garder toute sa liberté.

Mais alors, quel est le problème avec ces plug-ins ? C’est tout de même plus facile de naviguer sans être dérangé par des publicités sur internet !

Les ad-blocks, amis des internautes et ennemis des médias

En soit, c’est vrai. Les publicités ralentissent la navigation, mettent du temps à charger, peuvent véhiculer des malwares ou des virus, perturbent notre regard lors de la lecture et certaines peuvent être très dérangeantes, voire carrément intrusives.

Lorsqu’on navigue sans publicité pour la première fois, on redécouvre internet. On gagne en fluidité, en rapidité, on va à l’essentiel et on a le sentiment de mieux maîtriser son contenu. Terminé le tracking abusif ou le retargeting à outrance qui vous affichait une publicité pour des baskets parce que vous aviez été sur un site d’articles de sports quelques heures ou jours plus tôt. Finies les publicités en pre-roll avant le chargement d’une vidéo. On a accès à ce qui nous intéresse, tout de suite, sans attendre. C’est parfait, non ? Oui, mais les choses ne sont pas si simples.

Plus tôt cette année, FrenchWeb a organisé une session entre Kai Recke, Secrétaire général de Eyeo, l’éditeur d’Adblock Plus, et Cyril Zimmermann, Président du groupe HiMedia pour débattre sans tabou des Adblockeurs.

Car ces publicités, parfois agaçantes, sont souvent le seul revenu financier pour de nombreux sites. Dans son ensemble, Internet est financé par la publicité. Si tout le monde utilisait des bloqueurs de pub, ce serait un modèle complet qui serait menacé. En fait, la question est simple : préférez-vous naviguer gratuitement sur internet avec de la publicité ou payer pour accéder à tous vos contenus ? C’est effectivement une question éthique qui se pose derrière cette problématique. De manière simpliste, naviguer avec un bloqueur de publicité reviendrait à voler le contenu financé par celle-ci. C’était d’ailleurs le titre de la campagne prétendument réalisée par la DGCIS, qui avait agité Twitter en juin 2014. Au final, c’était juste un fake, mais qui a eu le mérite de s’interroger sur la démarche.

Plus concrètement, vous connaissez certainement la phrase « si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ». Mais seriez-vous prêt à payer un accès sur tous les sites web pour ne plus l’être ? C’est là tout le problème des éditeurs : comment continuer à proposer des contenus de qualité s’ils ne sont plus financés par la publicité ? Et surtout, quelle réaction avoir face aux internautes resquilleurs qui s’équipent de bloqueurs ?

Trois solutions pour les médias

Entre le désir de ne pas s’aliéner sa communauté et des objectifs financiers à atteindre, plusieurs solutions émergent, mais aucune ne s’imposent encore durablement.

  • Première solution : jouer la confrontation. Si l’internaute veut accéder au contenu d’un site ou d’une page web, il devra désactiver son bloqueur de publicités. C’est notamment le cas de certaines vidéos sur les sites de L’Equipe, de MyTF1 ou encore de Canal+.
  • Deuxième solution : faire preuve de pédagogie. Certains sites affichent un bandeau ou une page expliquant qu’ils sont financés par la publicité et demandant de désactiver momentanément le bloqueur de publicité. Rien n’est imposé, il suffit d’un clic pour se débarrasser de l’annonce en ayant, ou non, préalablement désactivé son plug-in.
  • Troisième solution : adapter ses publicités. Si les adblocks existent, c’est que les formats proposés par les régies publicitaires sont trop inadaptés à la navigation sur le web. D’où le développement de la “native advertising”. De nouveaux formats de publicité où le contenu éditorial fusionne avec le publi-rédactionnel pour promouvoir une marque ou un produit. Dans le même esprit, on retrouve aussi le système de liens ou d’articles sponsorisés qui vous emmèneront vers une autre page. Non seulement ces publicités sont plus subtiles, moins intrusives, mais en plus elles ne sont pas, par défaut, bloquées, car totalement intégrées dans le site.

Une question d’état d’esprit

Finalement, les bloqueurs de publicité ont fait bouger les lignes et suscité le débat pour pousser les publicitaires à s’adapter. C’est aussi une question d’état d’esprit : on pourra toujours tolérer les publicités sur les sites que l’on apprécie ou que l’on soutient et les bloquer sur les autres. Dernière initiative en date: Google qui, avec la dernière mise à jour de son navigateur Chrome, vient de générer – volontairement ou non – un bug qui affecte Adblock et empêche le blocage des publicités en pre-roll sur Youtube.

Au final, chaque internaute a un avis en particulier sur la question, qui rappelle bien souvent le fameux débat autour du téléchargement illégal des films et musiques d’il y a quelques années, avant les arrivées de Deezer, Spotify ou Netflix. En bref : un nouveau marché, une nouvelle offre et de nouvelles habitudes pour les internautes où la question du financement des sites web reste la priorité principale des éditeurs.

Crédit photo principale : Flickr – Ministerio TIC Colombia

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