Polémiques, censures, programmations douteuses… Comment la chaîne Canal+ a-t-elle pu tomber si bas ?

Avec le départ de Yann Barthès, Canal+ subit un nouveau coup dur contre ce qui faisait une partie de son succès. Il ne restera désormais plus que Groland pour ça, et l’humour grolandais n’est pas forcément au goût de tous. Avant le tapage médiatique autour du présentateur vedette du Petit Journal, nous avions presque oublié que Canal+ était malade. Mais avec ce nouveau rebondissement, il est clair que la chaîne enterre le peu « d’esprit Canal » restant jusqu’à maintenant et entre dans une période de totale incertitude. Revenons plutôt à cette longue descente aux Enfers que vit actuellement Canal+ et essayons de comprendre pourquoi ça va mal.

Yann Barthès a annoncé qu’il quittait Canal+ après sa dernière émission le 23 juin 2016

La virile prise en main de Canal+ par Bolloré

Tout commence avec l’arrivée d’un certain Vincent Bolloré en juin 2014 à la tête du conseil de surveillance de Vivendi. Et ce dernier n’arrive pas les mains vides: il a pour projet de réorienter l’activité du groupe, notamment la filiale qu’est le groupe Canal+. Et ce projet commence un an plus tard, au moment où Vincent Bolloré décide de prendre en main la chaîne cryptée.

En juin 2015, le coup de bambou tombe: en plus de présider le conseil de surveillance de Vivendi, Vincent Bolloré s’accapare celui de Canal+ et profite de la situation pour écarter certaines personnalités, dont Bertrand Méheut, ex-président du directoire qui fut au service de Canal+ pendant 13 ans. Afin de remplacer Méheut, le milliardaire décide d’engager à sa place Jean-Christophe Thiery, lieutenant fidèle de l’industriel breton et qui a notamment bâti la chaîne D8, connue pour son émission Touche pas à mon poste.

Vincent Bolloré entraîne la chute de Canal+

Vincent Bolloré à la Global Conference en 2013 – Crédit photo: Wikimedia – Copyleft

Le changement de direction est notamment justifié par la nécessité d’améliorer la rentabilité de la chaîne cryptée. Mais dans les faits, la chaîne ne se porte pas si mal économiquement et ce changement brutal de direction conduit à l’apparition des premières inquiétudes sur le futur de Canal+, notamment pour la grille des programmes.

La méthode Bolloré: deux censures et un rendez-vous au CSA

Peu de temps après cette prise de pouvoir controversée, des accusations de censure firent leur apparition. Deux documentaires furent notamment concernés: l’un portait sur le Crédit Mutuel, l’autre sur le conflit politique entre Nicolas Sarkozy et François Hollande.

La polémique éclata début septembre 2015, lorsque le premier documentaire portant sur le Crédit Mutuel et l’évasion fiscale fut déprogrammé sans la moindre explication. Un geste qui résonna comme un coup de tonnerre dans la presse et qui provoqua une volée de bois vert à l’encontre de Vincent Bolloré. Pourquoi donc le documentaire a été censuré ? Certains avancèrent simplement que le Crédit Mutuel est un partenaire important du groupe Bolloré et qu’il aurait été donc de mauvais ton qu’une chaîne dont l’industriel est propriétaire critique un partenaire en affaire. Le documentaire fut malgré tout diffusé, non pas sur Canal+, mais sur France 3.

À peine cette première accusation de censure tomba qu’une seconde pointa son nez, portant cette fois sur le documentaire de Spécial Investigation concernant la guerre de communication entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Là aussi, beaucoup s’interrogèrent sur le pourquoi d’une telle décision. Certains pensèrent notamment que la proximité entre le milliardaire et l’ex-président de la République n’était pas étranger à l’affaire. Une semaine plus tard, le documentaire fut finalement reprogrammé.

Ces deux épisodes eurent pour conséquence d’amener Bolloré devant le CSA fin septembre 2015, afin de répondre aux questions concernant ces deux documentaires, en plus de la dissolution du comité d’éthique d’iTélé intervenue durant la même période.

Les émissions en clair sur la sellette et une audience dans les chaussettes

En dehors des polémiques concernant la liberté qu’eurent, ont et auront les journalistes de Canal+, l’autre pomme de discorde concernait et concerne encore les programmes diffusés en clair. Trois émissions furent notamment concernées: Les Guignols, Le Grand Journal et Le Petit Journal.

Le Grand Journal, Canal Plus, Antoine de Caunes

Antoine de Caunes a présenté Le Grand Journal de 2012 à 2015

La rumeur sur la suppression des Guignols de l’Info fut certainement la plus grosse polémique qui ébranla la chaîne payante. Tout commença en juillet 2015: une rumeur lancée par le site Pure Médias agite le web sur la possible disparition des marionnettes. Très rapidement, un témoignage anonyme d’un proche de l’équipe des marionnettes confirma la fin de l’émission dans Metronews. Aussitôt, la réaction fut radicale : la presse comme le web critiqua fermement ce choix, tout comme une partie de la classe politique française. Véritable scandale, la chaîne expliqua aussitôt ne pas vouloir supprimer l’émission. Mais elle ne put échapper à la cure d’austérité que Vincent Bolloré souhaitait imposé, le programme devenant crypté dès sa rentrée en novembre 2015, faisant chuter par la même occasion l’audience de l’émission.

Dans la foulée, un autre programme fit les frais de ce changement de direction: Le Grand Journal. Présenté par Antoine de Caunes depuis 2012, il fut remercié en 2015 et laissa sa place à Maïtena Biraben. Et ce choix se fait encore ressentir: outre la polémique de certaines interviews jugées partiales, l’audience chute de moitié, passant de plus de 1,2 million de téléspectateurs à moins de 600.000. Il faut également savoir que l’émission tombe désormais au même moment que Touche pas à mon poste, émission de la chaîne D8 appartenant à Vincent Bolloré. De quoi se poser quelques questions sur ce changement de programmation qui est tout sauf favorable à Canal+ !

Avec l’annonce du départ de Yann Barthès, alors que son émission enregistre actuellement une bien meilleure audience que Le Grand Journal et Les Guignols réunis, il y a de quoi craindre pour le futur que Canal+. Et pour cause : entre juillet et décembre 2015, une perte de 218.000 abonnés a été soulignée et continue cette année avec près de 200.000 au premier trimestre 2016. Yann Barthès n’a peut-être pas tort: autant quitter le navire tant qu’il est encore temps !

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