Tout le monde en parle en ce moment, d’autres l’utilisent tantôt pour de bonnes, tantôt pour de mauvaises raisons. qu’est donc le darknet ? entre mythe et réalité, le web caché n’aura presque plus de secret pour vous désormais.
Internet depuis sa création il y a un peu plus de 25 ans, s’est toujours voulu libre de tout contrôle. En ces temps troubles rythmés par la prolifération d’entités non civilisées aussi bien matérielles que non, mais aussi marqués par une surveillance de masse mise en place par les gouvernements pour mieux gérer l’information au sein de la population, il est devenu plus qu’important de savoir comment et à quel prix protéger sa vie privée. Destinée à un usage purement productif au départ, la face cachée du Web, baptisée de concert « darknet » par certains utilisateurs as de la bidouille, se voit mise malgré elle sous le feu des projecteurs.
Sujet à de nombreuses interprétations plus ou moins erronées sur ce qu’il s’y passe, nous avons voulu mener une petite enquête sur ce qu’est le darknet. Est-ce parce-qu’il est flanqué du préfixe « dark » que le Web caché doit faire peur ? Comment accéder au darknet ? Que faut-il s’attendre à y trouver ? Incursion express dans le Web 2.1, entre espace de liberté et réseau criminel mondial.
Origines du darknet
Le darknet est à l’origine une création des gouvernements, scientifiques, etc. qui cherchaient un espace où ils pourraient discuter et échanger des données librement et en dehors de tout contrôle. Dans ses débuts faisant référence à tout réseau non en relation avec l’ARPANET, l’ancêtre d’Internet développé par le DARPA (Department of Defense’s Advanced Research Projects Agency), le darknet peut être défini comme un réseau inaccessible publiquement au sein duquel la connexion se fait entre pairs de confiance, selon des protocoles de chiffrement très avancés.
Parfois présenté à tort ou raison comme un Internet « bis » sans foi ni loi ou les vices sont rois, qu’y a-t-il, au juste, derrière le fantasme du Web caché ?
Crédit photo: Pixabay – tookapic
À quoi ressemble le darknet ?
Le darknet n’a pas de corps, ni de visage, et aucune pancarte n’y précise « Bonjour vous êtes dans le darknet ». C’est une entité immatérielle, insaisissable, mystique et mystérieuse, un peu comme Internet, mais où tout ou presque est anonyme et chiffré, protégé par des protocoles ultra-modernes, et où seuls les connaisseurs savent où se rendre en fonction de leurs besoins. Dans le darknet, si vous tapez par exemple l’adresse Google.fr, la page du moteur de recherches ne s’ouvrira tout simplement pas.
Pour accéder aux pages, il vous faut un navigateur spécial, un peu de bidouille et surtout connaître l’adresse de destination à laquelle vous souhaitez vous rendre, puisque le protocole HTTP n’y est pas reconnu officiellement. Les pages du darknet ne sont pas indexées et consultables via un navigateur traditionnel, raison pour laquelle elles ne sont pas affichées par nos moteurs de recherche.
Dans le darknet, les adresses « cachées » sont du type : [un mélange de mots sans sens].onion
Autre particularité du darknet, il est si obscur que chaque connexion passant par des centaines de nœuds avant d’aboutir à votre ordinateur, rend la navigation très lente. Le chargement des pages peut y prendre une minute comme il peut prendre une heure voir plus, et il est même possible que vous lanciez le chargement de pages et que celles-ci n’apparaissent tout bonnement jamais.
Le darknet est donc cette partie d’internet coexistant aux côtés du Web, mais que l’on ne peut voir que si l’on décide de la voir. En somme, le darknet est un réseau qui n’est pas connecté à Internet, et où chacun d’entre ses membres constitue avec son équipement et ses « amis » une maison dont il faut avoir la bonne clé pour pouvoir entrer. Il représente 85 à 90% de tout le Web selon certains spécialistes et échappe à toute centralisation.
L’infrastructure du darknet
A contrario d’internet, le darknet n’est pas stocké dans des serveurs dont l’accès est ouvert à tout le monde. Vous pouvez donc y consulter une page à 12h01, et celle-ci n’est plus accessible à 12h02. Se basant sur une architecture en pagaille dispersée autour du monde, le web caché fait rebondir chaque connexion ou requête initiées par des centaines de serveurs (destinés uniquement à faire rebondir les bits de données) avant d’aboutir à l’ordinateur destinataire.
En somme, cette architecture en elle-même est déjà une protection qui garantit l’anonymat. Cependant, il convient de parler des darknets, puisque le Web caché n’est en fait qu’un ensemble de darknets plus ou moins volumineux.
La constitution d’un darknet obéit à la loi des serveurs à rebondissement, mais ce n’est pas tout, puisque vous et nous participons passivement à la vie du Web caché. En effet, outre le fait de nous dérober des informations personnelles (parfois bancaires), les virus, trojans et autres agents informatiques infectieux se chargent souvent de transformer nos ordinateurs en machines « zombies », qui stockent les données des darknets à l’insu de leur propriétaire, et servent de bots de transit de connexion.
Une estimation récente a conclu qu’il y a plus 600 téraoctets de données cachées dans le Darknet à ce jour. Imaginez donc le nombre de machines zombies en libre circulation.
À quoi sert le darknet ?
Le darknet est une sorte d’île perdue au milieu du pacifique, où viennent se réfugier les anticonformistes (pas nécessairement dotés de mauvaises intentions), fuyant la centralisation, la géolocalisation, la publicité ciblée, le traçage de leurs données personnelles ou de leurs historiques de navigation, comme le fait si bien comprendre le CNRS.
Internet peut être assimilé à ces plages naturistes du Cap d’Agde, où tout le monde voit tout. Vous ne le savez sans doute pas, mais votre fournisseur d’accès à Internet, lorsque vous vous connectez, a accès à toutes les données non chiffrées que vous faites transiter sur votre réseau domestique : les sites visités, les recherches Google, les commentaires sur les réseaux sociaux pour ne citer que ceux-là. Au-cours d’enquêtes officielles, si vous y êtes mêlés, ces FAI peuvent être sommés de livrer des informations sur vos activités, ce qui mettrait à nu toutes vos données personnelles.
Les darknets, outre le fait d’être un vrai nid à racailles, permettent donc de vous protéger, grâce à leur système de connexion en nœuds de pairs en pairs. Ils vous assurent donc un anonymat que personne ne peut compromettre sur le Web. De plus, comparativement à Internet auquel environ 5 milliards d’individus ont accès, les darknets dont un en particulier gravitant autour de TOR (nous y reviendrons) ne compte que 2 millions d’utilisateurs quotidiens. Les darknets sont donc par rapport à Internet, assimilables à une plage de Bretagne au mois de novembre.
Comment accéder au darknet ?
Beaucoup lisent des choses sur la toile mais sans savoir exactement ce qui est quoi. Pas mal de personnes ont déjà eu à lire l’acronyme TOR sur la toile, et pour ceux qui ont poussé les recherches plus loin, ils se disent sans doute que TOR est le darknet. C’est totalement faux. TOR pour « The Onion Network », n’est en fait qu’une minuscule partie du darknet, il n’est juste que la passerelle la plus utilisée pour accéder aux darknets.
Comme acolytes de TOR, on a notamment I2P et freenet. Et nous irons même jusqu’à dire que TOR est dépassé, puisque votre anonymat n’y est plus sécurisé à 100%, à contrario de freenet, qui, lui, se veut plus que sûr et « noir ». Toutefois, le but de cet article n’est pas de faire de vous des utilisateurs avancés des darknets, nous nous limiterons donc à l’usage de TOR.
Pour accéder aux darknets grâce à TOR, il vous faut d’abord passer par l’Internet conventionnel pour télécharger le package qui comprend les logiciels de chiffrement et un navigateur modifié et « spécialement » taillé pour accéder au Web caché. Rendez-vous à cette adresse, et téléchargez TOR.
Tor est la passerelle la plus utilisée pour accéder au darknet – Crédit photo: Wikimedia – Tor
Une fois l’archive téléchargée et décompressée, lancez tout simplement TOR, puis l’application se chargera de faire le reste, après que vous ayez cliqué sur « Connect ». Dès lors TOR se connectera à son réseau en oignons, et lancera le navigateur dédié au surf anonyme.
Voilà, j’y suis, que faire ?
L’essentiel n’est pas tant d’être au sein du darknet, encore faut-il savoir quoi y faire. Vous vous souvenez ? Nous vous disions plus haut qu’une fois connecté, il faut savoir exactement où aller pour trouver quelque chose de bien particulier. Ne voulant point vous mettre en danger, pour tester vos connaissances en la matière visitez tout simplement des forums en ligne, qui proposent des annuaires répertoriant par catégorie ou par recherche des adresses de sites sur le darknet (ex : Base-search, ou Grams qui est un moteur de recherche spécial darknet).
Le darknet est un véritable nid à contenus illégaux
Que faut-il s’attendre à trouver dans le darknet ?
De manière franche le darknet est un véritable nid à contenus illégaux. Un tiers représente du contenu à caractère pornographique, parfois de la pédopornographie et d’autres trucs louches, mais aussi et surtout, des marchés parallèles du type Amazon ou même Carrefour. Les rebelles farcs y ont carrément ouvert le supermarché du crime où ils écoulent en toute (in)discrétion leurs marchandises (drogue et armes à feu modifiées).
Une boutique de drogue et d’armes sur un site du darknet
Pas mal de contrebande y est exposée, allant de la drogue aux armes à feu et autres entités peu recommandables ou immorales. Le second tiers est rempli toujours de contenu illégal, mais à caractère culturel, du type musique, films, mais attention à ce que vous y faites, car si vous pensez entrer et prendre ce dont vous avez besoin puis repartir en toute tranquillité… vous serez surpris par le nombre d’alertes émises par votre antivirus une fois TOR déconnecté.
Le darknet est aussi un nid de vipères liées au terrorisme et aux anticonformistes aux idéaux négationnistes. Le dernier tiers du darknet est rempli de sites et contenus inclassables. Le darknet est un lieu effroyable où tout type d’interdit est permis et en libre accès. Par exemples, certains sites permettent de commanditer des meurtres ou des passages à tabac, il est même possible selon vos moyens, de faire planter le site d’un de vos concurrents ou de faire pirater le compte Facebook de votre copine et pourrir la vie de votre ex.
Le Bitcoin est la monnaie « officielle » du darknet – Crédit photo: Flickr – BTC Keychain
Il est difficile de savoir qui commande quoi sur ces sites, surtout compte tenu du fait que les cartes de crédit n’y sont pas vraiment les bienvenues (sauf si vous avez des numéros de cartes à vendre). C’est le Bitcoin, la monnaie intraçable qui y est roi, et pour peu que vous ayez de quoi payer, vous pouvez quasiment tout y faire. Nous disons bien tout. Si vous avez le cœur fragile, abstenez-vous de vous rendre dans le darknet, une crise cardiaque peut vite survenir, avec le contenu choquant disposé à tous les carrefours.
Le darknet est-il synonyme de négation ?
Le Web caché est certes un endroit où toutes les perversions sont retrouvées, mais ce n’est pas un lieu lié à l’absolue négation. En effet, durant le printemps arabe, les dissidents et autres manifestants se sont servis du darknet pour échanger des informations, et libérer leurs nations du joug de dictateurs ne respectant aucune loi, et ces darknets sont toujours utilisés aujourd’hui par des opposants dont les vies sont en danger un peu partout dans le monde, notamment en Chine ou en Birmanie, où la censure et la répression sont omniprésentes.
Autre illustration positive des usages du darknet : Edward Snowden, ce leaker travaillant à l’époque pour la NSA, et qui a réussit grâce au web caché à faire transiter jusqu’aux journalistes 20.000 documents mettant en lumière le projet PRISM, lié à la surveillance de masse orchestrée par les USA , vis-à-vis des pays dits amis.
Le mot de la fin
Le darknet est un monde parallèle fascinant et très dangereux, il est donc très important de savoir exactement ce que vous y faites. Cependant ce danger ne signifie pas qu’une fois que vous avez visité le web caché, votre PC sera foutu ou que dès le lendemain vous retrouverez des membres d’un gang ou d’une secte devant votre porte…
Certes certains sites du darknet sont considérés comme beaucoup trop dangereux, mais c’est plus dans le sens où il faut faire attention aux données personnelles que vous y échangez, et au contenu que vous y téléchargez. Toutefois, reverser sur le dos du darknet tous les maux liés à notre société moderne serait peu logique, puisque les fléaux tels que le trafic d’arme, la pédophilie, les meurtres et attentats, sont des problèmes sociaux, et non ceux du darknet. Le meilleur et le pire coexistent dans ce réseau.
Crédit photo principale : Flickr – Pierre (Rennes)