Beasts of No Nation, le premier film produit par Netflix, est bien plus qu’un film de guerre

Hier j’ai vu le premier film de l’histoire du cinéma entièrement produit par un service de vidéo streaming payant, le géant américain Netflix. Et le moins que je puisse dire est que j’ai pris une belle baffe en visionnant ce film de guerre, Beasts Of No Nation, un film de guerre vraiment pas comme les autres. Réalisé par le génie de la première saison de True Detective, Cary Joji Fukunaga, le film nous plonge dans la violence crue et injuste d’un conflit civil en Afrique.

Beasts Of No Nation centre son histoire sur un enfant nommé Agu, qui se retrouve pris dans un déferlement de violence; le quotidien de certains d’Afrique tout simplement, et le quotidien d’un enfant devenu orphelin et qui intègre malgré lui les rangs d’une milice pour devenir cette Bête apatride. Il ne s’agit pas d’un film d’histoire, où la narration s’évertuerait à expliquer le pourquoi du comment d’un tel conflit. Non, ici le film parle de ces enfants, de leurs plongées soudaines et cruelles dans un univers de terreur, bien loin de leurs sages jeux de rues.

De la naissance des enfants soldats

Une décision majeure et fondamentale du film est de ne prendre place dans aucun des conflits existants: Beasts Of No Nation parle de toute l’Afrique et plus encore, de tous ces pays dont la violence s’inscrit comme culture. Ici le film ne cible aucun pays en particulier, aucune religion n’est visée, aucune idéologie n’est mise en avant pour justifier la cause et les actes des milices armées. Adapté d’une nouvelle parue en 2005, les « connaisseurs » pourraient s’échiner à trouver des ressemblances avec le cas du Nigéria, pays d’origine de l’écrivain, avec Boko Haram ou que sais-je encore, mais il me semble que le but du film n’est pas celui-là.

D’ailleurs la réalisation de Fukunaga ne se focalise pas sur les détails en général, l’attaque du village d’Agu au début du film laisse planer de nombreuses questions, le spectateur attendant des réponses pour ces exactions. L’intérêt est ailleurs: montrer la désintégration totale de l’environnement social, familial d’un enfant et sa « reconversion » en machine de guerre, montrer aussi avec quelle facilité les seigneurs de guerre africains orchestrent ces massacres pour mieux embaucher de nouveaux enfants soldats par la suite.

Le seigneur de guerre, ce père de substitution

Vient alors la figure ô combien charismatique d’Idris Elba (The Wire, Luther, Thor) qui illumine le film malgré un personnage sombre et imposant. Surnommé le Commandant, il est le chef de la milice ayant capturée Agu, un seigneur de guerre que le réalisateur a choisi de dévoiler, de faire tomber de son piédestal, en ôtant le masque de la simple virilité militaire. La personnalité de celui que l’on peut considérer comme un dictateur est alors plus troublante: le Commandant est un homme abîmé par les épreuves, dépressif et frustré comme en témoigne sa consommation de stupéfiant et ses demandes répétées aux enfants pour obtenir des faveurs sexuelles. Malgré le portrait peu flatteur, le Commandant devient peu à peu le père que ses enfants n’ont plus, la figure de l’autorité désormais manquante. Il est celui qui les guide, pour le meilleur et surtout pour le pire.

La jeunesse africaine sacrifiée est bien sûr au centre de l’échiquier Beasts Of No Nation, et le plus terrifiant pour le spectateur est de voir la facilité avec laquelle les petits soldats se débarrassent de leur condition d’enfants pour devenir une troupe d’assassins sans loi, ni honneur. Les scènes de combats viennent brutalement déchirer le calme relatif de la jungle, et les jeunes « fauves » lâchés massacrent les populations, menés par une seule motivation, celle de faire ce que les circonstances demandent, ni plus ni moins. Hier j’ai vu Beasts Of No nation et je vous le recommande vivement.

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